« De l’individuel au collectif ». Saint Jordi, 23 avril 2013.
Format : entre 350 et 500 mots à envoyer par courriel sur Word, police Arial 12, interligne 1,5, marges 2,5
Nº et titre choisi en caractères gras
Nous attendons de vous : originalité, effet de surprise, chute inattendue, etc…Tous les registres de langue sont attendus. Parfois le titre de la nouvelle conditionne le registre.
Dates d’ouverture du concours : du lundi 7 janvier au mardi 5 mars 2013
Publication anonyme des versions définitives sur le blog par le prof du 25 au 27 mars.
Jury : élèves et professeurs
Chaque personne choisira sur le blog les trois nouvelles qu’elle a préférées pour désigner les trois gagnants avant le 15 avril et enverra à son prof par courriel son choix.
Prix : à définir suivant le budget 2012-2013.
Présentation des 15 nouvelles les plus votées le 23 avril 2013 pour célébrer la fête du livre (Saint Jordi) d'une des manières suivantes :
- Lecture individuelle ou en groupe, théâtralisée ou pas
- Lecture différée enregistrée avec fonds sonores, bruitages ou pas avec une webcam, un téléphone portable, un caméscope, etc…
Nº et titres des nouvelles instantanées:
2. Perdu
3. Slip
4. Cheyenne
5. SES EX
Jean-Paul
Je suis
très amoureux de ma femme, Marie. Je l'aime comme au premier jour. J'ai
toujours envie de l'embrasser et je sais qu'elle m'aime aussi. Elle est belle,
intelligente, sexy, superbe. Mais moi, j'ai une faiblesse... Je ne peux pas
m'empêcher de voir mes ex.
J'ai
beaucoup aimé, trop, et je ne peux jamais oublier une personne avec laquelle
j'ai dormi. Je l'avoue, je ne cache rien.
Pour moi,
les appeler, leur envoyer un message, voir mes ex est une chose normale. Cela
fait partie de ma vie. Je les ai toutes dans mon agenda. Elles sont
merveilleuses, toujours accessibles, je les connais très bien, je les adore. Je
ne peux pas les laisser de côté, elles ont besoin de mon amour, et pour moi, il
est très important de les voir. Qu'est-ce que je peux faire? Je ne veux que
faire du bien et je ne peux pas lutter contre moi-même.
Marie
Moi, je
n'en peux plus! Je vais faire mes valises et je pars. Je préfère devenir une ex
de Jean-Paul que continuer comme ça. J'en ai marre! C'est fini!
Jean-Paul
«Une de
plus pour ma liste... C'est l'histoire de ma vie.» pense-t-il.
6. Bloquée
7. La splendeur de l’ennui
Samedi soir, après un long week-end, je me trouve
dans ma chambre face à la fenêtre avec l' esprit vide, je ne pouvais plus
penser. À ce moment-là j'étais plongée dans un sentiment très amer, ma vie
n'avait aucun sens, j'étais toute seule dans cette chambre, toute seule dans
cette grande maison déserte, toute seule
dans ce vaste monde.
Au fond
de moi, je sentais que ma vie était suspendue, sans aucun signe
d'encouragement; je n'avais pas de famille, j'avais un travail monotone et
fastidieux qui rendait mes jours identiques et soporifiques sans émotion, je
n'avais pas d'amour..... je n'avais même pas de chat. Tout à coup j'ai entendu
de petits bruits contre le vitre qui m'ont ramenée à la réalité. Il pleuvait,
j'ai toujours aimé la pluie de printemps, cependant je ne l'avais jamais perçue
si belle, comme de petits brillants qui se laissaient tomber du ciel turquoise
immense, c’était la première fois que je me rendait compte de la formidable
création. Je commençais à valoriser tout, autour de moi, la vie était belle et
pleine de choses merveilleuses, peut-être devais-je seulement ouvrir les yeux
et commencer à regarder le monde qui m'entourait. En cet instant précis, je me
suis souvenue des mots de ma grand-mère, elle disait toujours: les aveugles
sont les personnes qui regardent avec les yeux mais qui ne savent pas voir avec
le cœur.
Sous
une branche de l'arbre qui se trouvait dans le jardin j'ai pu apercevoir un
cocon de papillon, jusqu'à cet instant ce cocon aurait été une chose triviale
pour moi, mais maintenant ce minuscule cocon me faisait penser à la chose la
plus belle qui a été donnée par la nature, la vie!, qui est renouvelle à chaque
seconde. Je me sentais la personne la plus chanceuse quand le cocon a commencé
à s'ouvrir, cette éclosion de la chrysalide de papillon avait bouleversé mon
état d'âme, observer la transformation d'une chenille en un admirable
papillon et postérieurement son envol
harmonieux étaient un point de départ pour moi, pourquoi ne pas commencer à
nouveau? Je pourrais me renouveler, j'aurais la possibilité de m'inventer. Je
pouvais être comme ce papillon, avec le cœur ouvert au monde dans l'immense
univers, laisser tout derrière moi sans attendre un miracle parce que le
prodige de la nature et le génie de la vie étaient devant moi, il fallait
seulement regarder avec l'âme déjà l'existence était pleine de phénomènes
étonnants et la nature est capable de montrer sa magie d'une façon
émouvante.
L'ennui
peut te faire découvrir des trésors inimaginables, il existe toujours quelque part une chose incroyable
prête à se dévoiler. Ce samedi soir, j'avais compris que je devais me laisser
glisser sur le chemin de la vie, et plusieurs fois il faut se perdre pour
retrouver de nouveaux sentiers, le secret c'est de chercher dans soi-même pour
retrouver des possibilités, le danger nous frôle et il faut vivre chaque
instant comme le dernier.
8. Humiliant
9. Gaëlle
Gaëlle
est un prénom de rêve. En fait, Gaëlle est un prénom de conte. C'est pour cela
que je peux faire ce que je veux. Par exemple, je peux parler avec les animaux.
Ou je peux me rendre sur la lune en tapis volant. Ou - mieux encore - parfois je peux demander
trois désirs et ma marraine, la fée, me les accorde en un clin d'oeil.
Les pigeons font
"bbbrrruuurrr", mais ils ne disent rien. Les chats font " miaou,
miaou", mais c'est impossible d'avoir une conversation profonde avec eux.
Il y a des chevaliers, des sorcières, quelque princesse et beaucoup de pauvres
gens, mais ils ne s'habillent pas comme dans notre monde. En réalité, tous
s'habillent pareil, comme s'ils ne savaient pas qui ils sont ni à quel conte
ils appartiennent. Et leurs coiffures font mal aux yeux! (peut-être parce
qu'ici les miroirs ne disent pas la vérité).
10. Aux vivants le droit de vivre
Les vivants vivent en étroite
dépendance les uns des autres et qu'ils forment une communauté dont est un
membre parmi eux. IL serait difficile de parler de degré d'évolution entre eux
car les êtres vivants n ' évolue pas dans le même direction .On peut d'une part
parler des êtres humains être considérés comme des condensés de reflexes c'est
à dire ,qui pensent qui réfléchissent et d'autre part une classe appelée les
êtres vivants comme créature créature qui se reproduit ou se multiplie dans la
nature et considérée comme des condensés d' instincts ; voire par exemple les
animaux sauvages et domestiques etc...
Qu'importe l'être que la vie
habite ,le simple fait d'être vivant ,devrait sans aucune exception lui
occtoyer le droit de vivre ,d'être respecté et aimé.
On doit considérer que tout être
vivant possède des droits naturels , bien que tous ne puissent pas les exprimer
ou les revendiquer , et que nous avons un devoir particulier envers ceux qui ne
sont pas capabbles de prendre part à la société, ni de defendre eux- mêmes
leurs droits et leurs intérêts.
IL y a une grande méprise ,
voire une simple méconnaissance de ces droits qui provoque de graves atteintes
à la nature et à la vie mais conduit aussi l'Homme à commettre des crimes
envers les autres êtres vivants . Quelqu'un disait: " On ne protège que ce
l'on aime et on aime que ce que l'on comprend et on ne comprend que ce que l'on
nous explique" . Donc l'éducation est primordiale dans la vie quotidienne.
Mais aussi ,il est important de s'acquiter de ses devoirs avant de réclamer ses
droits. Nous vivons dans un monde corrompu où règne la raison du pus fort ;la
loi de la jungle.
Tout vivant a le droit de vivre
dans un environnement sain , a le droit de vivre en famille et en bonne
harmonie et chaque être devrait avoir droit de vivre en paix ... Combien de
familles sont entrain de souffrir en ces difficile moments de crises ? Où sont
les écrits des lois des lois UNIVERSELS DES DROITS DE L'HOMME ?...Sont dans les
tiroirs et ne serrent à rien ...
Depuis la création ,l'Homme set
maître de tout sur Terre et chaque créature a donc besoin de notre soutien dans
leur vie au quotidien.Alors ,L'éducation et les instuctions politiques doivent
conduire à l'Homme ,dés son enfance, à observer et à respecter à tous les
vivants.
En cela quelles pourraient les
conséquences du boom immobilier qui prime en ces moment l' être humain et son
entourage de son droit de vivre ?
11. J’AIME PAS
Le Petit Robert dit :
« AIMER : Avoir du goût pour quelqu’un ou pour quelque chose »
Et moi, je dis :
J’aime pas l’hiver : il fait
froid, il fait noir, les arbres n’ont pas de feuilles, les hirondelles sont
parties, le vent siffle, les fleurs se sont cachées, les jours sont trop
courts, le ciel est gris, l’air est humide. Je déteste mon nez qui rougit, les
grosses chaussures et les lourds manteaux, les gants qui emprisonnent mes
doigts...
J’aime pas les livres de fantaisie,
je ressens rien quand j’en lis, je prends aucun plaisir à lire des livres qui
parlent d’êtres qui ont des pouvoirs étranges
. J’aime les livres où on retrouve la vie réelle, les livres qui
racontent des histoires que je peux croire et, peut-être, que je voudrais
vivre.
J’aime pas faire la cuisine, mais
j’aime les livres de recettes. Ils sont très jolis ! Je n’ai aucun talent
dans ce domaine et, en plus, ça prend trop de temps : choisir quoi manger,
faire les courses, cuisiner, ranger la cuisine, faire la vaisselle. Et après,
une demi-heure et tout est mangé. Et personne dit : « C’est
délicieux ».
J’aime pas la saint Valentin. Je
la déteste ! Je hais me promener et voir tout plein de cœurs rouges
partout : sur les affiches, dans les revues, dans les vitrines... J’aime
les personnes qui veulent se démontrer leur amour, mais je déteste qu’il y ait
une journée consacrée à l’amour. Il faut s’aimer chaque jour. Pour ça, ce jour
je ne montre pas mon amour, je le fais tous les autres 364 jours de l’an. Et en
plus, j’ai de l’aversion pour tous ces cadeaux ridicules et que les hommes
achètent (ils sont bêtes) : des parfums, des chocolats, des roses rouges,
un bijou, un dîner aux chandelles...
J’aime pas les fêtes de fin
d’année car on se sent obligé d’être heureux pendant ces moments-là. Est-ce que
la vie fait une trêve pendant ces jours et tout le monde est heureux ? Il
faut penser aux personnes malades ou avec des familles désunies. Pendant ces
jours leur solitude grossit. C’est une
course dans les grands magasins pour acheter la dinde, et si on est
végétarien ?; les cadeaux, presque toujours inutiles ; les
lumières...
J’aime pas les mensonges, ces
petits mensonges que font certaines personnes sans penser à mal, les pieux
mensonges, les mensonges bénéfiques quand quelqu’un a fait une chose et qu’il a
besoin qu’on lui dise... un mensonge.
J’aime pas les portables qui
sonnent pendant une représentation théâtrale ou pendant un concert.
J’aime pas les numéros masqués et
je ne réponds jamais à ces numéros : si c’est important, les gens peuvent
me laisser un message. Je hais le
harcèlement téléphonique de certaines entreprises.
J’aime pas les programmes de télé
réalité.
J’aime pas le bruit et le
désordre.
J’aime pas les régimes pour
mincir.
Est-ce que je suis une personne
étrange ?
12. Grimper
13. Seule
14. L’ESCARGOT
Je vais vous raconter l’histoire de Spirale, un
humble escargot des champs qui pensait
seulement à sa mauvaise fortune :
Il devait marcher toujours en
traînant sa maison et chaque fois qu’il grandissait, la maison devait être
fermée pour en construire une autre, collée à l’antérieure et qu’il devait
aussi traîner. De plus, pour marcher doucement sur la terre, Spirale produisait
une espèce de bave qu’il détestait, mais
qu’il utilisait pour sceller
l’entrée de chez lui et pour se
cacher un jour et un autre et un autre...La solitude et la détresse étaient ses
seules copines de vie.
L’automne gris était arrivé et une nuit ordinaire, après une
averse terrifiante sous laquelle il aimait se promener, Spirale et d’autres
escargots ont eu une surprise inattendue. Les chercheurs d’un laboratoire
scientifique avaient besoin de différentes espèces animales pour les
étudier et, dans un sac où la nuit
semblait ne jamais finir, ils ont réalisé un long voyage..
Soudain, Spirale
s’est retrouvé sous la clarté éblouissante d’un projecteur et cerné de personnes habillées en
blanc qui mesuraient toutes les parties de son
petit corps. Le premier examen auquel il a été soumis a surpris les
scientifiques : les successives relations mathématiques entre les mesures de ses petites maisons
clôturées correspondaient au Nombre d’Or !!
Étonné par tout ce que disaient ces personnes si
intelligentes, Spirale écoutait attentivement
des noms vraiment importants : Phytagore, Da Vinci, Kheops, L’Atlantide,
Nautilus... C’était un magnifique
prototype dont les proportions étaient auriques !
Pour la première fois de toute sa vie, Spirale
voyait le monde d’une autre couleur. Au fur et à mesure qu’il avait grandi, il
avait créé un chef-d’oeuvre de l’architecture, la Divine Proportion !.
Épuisé par les émotions, il s’est enfermé une autre fois dans sa petite maison
mais maintenant, c’ était un escargot fier de lui-même.
À dater de ce jour, Spirale écoutait et lisait
soigneusement toutes les informations
sur les recherches scientifiques laissant sur les feuilles un petit chemin,
brillant de bave, qui intriguait les
scientifiques. D’ailleurs il apprenait, chaque jour, des choses passionnantes
sur les animaux de son espèce.
Cette habitude lui a proportionné une autre grande
commotion : la bave qu’il haïssait s’était révélée comme un miracle pour
faire disparaître les cicatrices, l’acné et les rides et pour guérir les blessures étant donné ses propriétés
régénératrices. Il produisait avec sa
bave une série de substances dont les noms bizarres l’avaient bouleversé :
allantoïne, collagène, vitamines... C’était un être vivant spéciale, magnifique
et unique qui, avec son petit corps, produisait des choses importantes qui
aidaient les autres !!
Maintenant Spirale se promenait chaque jour,
méprisant et prétentieux, sa fierté avait monté jusqu’à la stratosphère, à
travers les yeux et les considérations des autres. Toutefois il continuait à
traîner ses successives maisons, chaque fois plus grandes et plus lourdes
et sécrétant la bave visqueuse,
deux choses qu’il détestait
autrefois.
15. La fermer
16. Recommandé
17. Sportif
D’habitude, quand on entend le mot sportif on comprend sans difficulté sa
signification. Au moins, dans l’acception la plus fréquente, on parle de
quelqu’un qui fait du sport d’une façon
plus au moins régulière obtenant de nombreux bénéfices… Le sport est également une valeur essentielle
promue par divers organismes internationaux, professionnels et des agents
sociaux.
Néanmoins, une partie de notre réalité révèle des
phénomènes alarmants. Malgré les considérables initiatives visant á l’encouragement
de la pratique sportive, il existe des situations inquiétantes comme, par
exemple, l’accroissement du taux d’enfants avec une surcharge en Occident,
ou bien le fait que, en dépit de la
promotion d’habitudes saines dans les cantines des école, les élèves
continuent à mener une vie sédentaire et se nourrissent inadéquatement.
Les aspects angoissants ne se trouvent pas
uniquement dans certaines couches sociales, mais dans l’ensemble de la société.
Parmi les adultes âgés de moins de cinquante ans, les raisons principales pour faire du sport
sont liées à l’esthétique ou la beauté. Vraiment, très peu de gens font du
sport simplement pour les bénéfices qu’on peut en obtenir.
Il est vraiment inquiétant et préoccupant le fait
que la pratique du sport soit liée, notamment, à des aspects n’ayant rien à
voir avec une idée objective du sport, et à des valeurs constituant des
références potentiellement nuisibles (l’obsession de la beauté, de la jeunesse éternel…).
A quoi cela répond ? Est-ce en raison de la pression
sociale ? Du fait d’une éducation inefficace… ? Plus que jamais le
sport, en tant que valeur positive et relevant
tout au long de la vie, doit être promue pour atteindre des taux de
citoyens plus sains, et conséquemment, plus heureux.
D’une manière curieuse, Le fait que les personnes de soixante ans ou plus soient
devenues les plus sensibles face à la
nécessité de faire du sport régulièrement se révèle comme une situation en même
temps insolite et significative. Que ce soit par exigence, ou par conviction,
de plus en plus, on trouve dans la rue des retraités courant simplement pour
être en forme et en bonne santé.
Si on fait réagir l’ensemble de la société sur les
avantages du sport, nous aurons, non seulement des personnes plus en bonne
santé, mais aussi des bénéfices directs sur d’autres aspects de
l’existence : l’alimentation deviendra plus équilibrée, les rapports
interpersonnels seront plus positifs et la capacité face au stress augmentera.
L’objectif à atteindre est bien évident. Il n’en demeure
pas moins vrai que la stratégie pour y parvenir représente l’un des plus
ambitieux efforts du vingtième siècle.
18. Drôle19 Voisine.
Alors, écoute, s’il te plait.
Je voudrais te dire que l’on laisse passer, tout ça. Tout ce que nous avons
partagé jusqu’à maintenant. Notre petite affaire ne va plus. On s’arrête ici.
Mais je voudrais en même temps que nous restions des bons amis, car
d’abord, ce n’est pas un à jamais, mais
un au revoir. Ce n’est pas une déclaration de guerre, mais un armistice. Ça ne va
pas être très long, je te promets, le temps de rupture. Quelques mois. Alors,
s’il te plait, belle voisine, laisse-moi partir, laisse-moi faire ce petit bout
de chemin qui me reste encore pour finir mon voyage. Mon destin est bien
marqué.
Je t’ai vu entrer dans ma vie
comme par hasard, sans faire beaucoup de bruit, sans qu’une feuille des arbres
de la rue ne bouge, sans que l’air de la nuit ne grelotte. Tout doucement tu
t’es approprié mon temps, mon paysage, mes objets, mes livres, mes cahiers de
dessin, tout. Désormais il n’y a que ta présence. Je suis maintenant un peu
étouffé, pardonne-moi, je te demande de laisser mes jours revenir et que l’air
que je respire soit léger.
Je crois que tu peux me faire
la faveur, s’il te plait. N’occupes pas mon espace, laisse-moi la place.
Oui, c’est vrai, on se
connait depuis longtemps. Je t’ai vu venir t’installer tout près de moi. Bien voisine,
c’est tout à fait trop, si tu veux que je te dise la mienne. Quand tu es entrée
dans ma vie, je te connaissais à peine. Le temps glissait vite, j’avais
l’espérance, je croyais que tu resterais tranquille. Oui, c’est vrai, j’avais
baissé la garde. Ah, il ne fallait pas ! Jamais avec toi. Maintenant je
reconnais mon erreur, et je n’attend que des mauvaises nouvelles de toi.
J’attends pourtant le pire.
C’est dans ce cas que je te
demande un délai. Un peu plus de temps.
Il y a quelque chose que je veux faire avant de partir avec toi. L’autre jour,
quand nous étions à l’hôpital, si proches, j’ai décidé de te demander ce petit
cadeau de temps pour faire le dernier voyage avec le voilier. Quelques semaines
pour que la Méditerranée devienne un peu mon sang, que l’eau salée soit mon
sang. Rendez-vous au port d’Andratx, voisine. L’amarrage du voilier tu vas le
voir. Je t’attends.
20. Insomnies
Mon combat est rude pendant la nuit. L’insomnie
persévérait. C’est comme une fièvre de la nuit.
C’est l’histoire de chaque nuit, de ma petite fenêtre éclairée au milieu de la ville plongée dans le noir. La solitude d’une noctambule active ou le désespoir à la recherche du sommeil perdu?
C’est l’histoire de chaque nuit, de ma petite fenêtre éclairée au milieu de la ville plongée dans le noir. La solitude d’une noctambule active ou le désespoir à la recherche du sommeil perdu?
Cette insomnie est bien cruelle, je reste avec
moi-même avec mes souvenirs, avec mes douleurs. J’aurai bien aimé m’endormir un
peu pour oublier tout ça, pour faire une pause. Je souffre depuis notre rupture,
tu me manques et j’ai l’impression que je ne pourrais pas récupérer mon
sommeil. Je pense à toi.
J'ai essayé la radio. Mais une balade dans le noir quand je suis dans cet état-là, ça me fout l'angoisse.
J'ai essayé de lire, je ne peux pas me concentrer. Mon corps réclame un calme qu'il ne connaît pas. Ma tête est plus active que mon corps.
Je pense à toi. Je ne sais pas. J'hésite.
Je ne sais plus comment me placer. Trop de moments ensembles, trop de souvenirs, un trop grand vide dans le ventre. Une agitation. Comme une fièvre. L'insomnie. Des mots qui surgissent et s'envolent. Je n'arrive pas à écrire sur ce que je veux exprimer. Des mots manquants.
Je pense à toi. Le sommeil ne me trouve pas et me fuit.
J'ai essayé la radio. Mais une balade dans le noir quand je suis dans cet état-là, ça me fout l'angoisse.
J'ai essayé de lire, je ne peux pas me concentrer. Mon corps réclame un calme qu'il ne connaît pas. Ma tête est plus active que mon corps.
Je pense à toi. Je ne sais pas. J'hésite.
Je ne sais plus comment me placer. Trop de moments ensembles, trop de souvenirs, un trop grand vide dans le ventre. Une agitation. Comme une fièvre. L'insomnie. Des mots qui surgissent et s'envolent. Je n'arrive pas à écrire sur ce que je veux exprimer. Des mots manquants.
Je pense à toi. Le sommeil ne me trouve pas et me fuit.
Mon psy m’a conseillé d’écrire toutes mes inquiétudes.
C'est pour cela que j’essaye à nouveau d’écrire. J'ai pensé à tout pour
m'endormir, Même à toi pour me faire sourire. Je me demande comment notre relation
avait commencé en un clin d'œil mais comment est-ce que tu savais qu'il était
temps d'y mettre fin ?
Peut-être dois-je te dire au revoir, mais j’ai
besoin de plus de temps, mon deuil amoureux m’a transformé en une folle insomniaque.
Je ne me suis pas endormie. C'est peut-être à cause de mes soucis, qui ne me font vraiment pas rire. Mais je vais retourner dans mon lit, pour attendre que le matin se lève pour me sentir bien reposée.
Je ne me suis pas endormie. C'est peut-être à cause de mes soucis, qui ne me font vraiment pas rire. Mais je vais retourner dans mon lit, pour attendre que le matin se lève pour me sentir bien reposée.
Je ne peux pas
te faire mes adieux, mais je dois décider une date pour le faire.
21. Douleur
Souvent elle avait
entendu dire que la perte d’un être aimé ne s’oublie jamais ; que cette
expérience et la tristesse infinie qu’on ressent dans ces moments-là se
surmonte avec le temps. Mais la douleur
et le souvenir restent toujours cachés
quelque part dans notre cœur. Et c’est pour cela qu’un petit détail, une
petite et innocente anecdote fait, soudain, revivre les moments passés avec la
même intensité.
Et elle l’a vérifié
dans sa propre chair lorsque des collègues du travail ont proposé une randonnée,
d’aller à la montagne que, maintenant elle se rendit compte, qu’elle n’avait
jamais prononcé leur nom depuis leur disparition.
Il y avait plus de
vingt-cinq ans, un jour de printemps comme celui-ci, quand treize amis avaient
quitté leur maison pour faire ce qu’ils aimaient le plus : aller explorer
des lieux, des endroits, des criques ou les coins les cachés dans ces endroits encore vierges. Mais des treize
adolescents, seulement douze rentrèrent chez eux.
Et de nouveau elle
a ressenti la colère et l’impuissante de ne rien avoir pu faire pour lui. Mais,
le fait de revivre avec la même douleur ce que personne, à dix-sept, ne devrait
jamais faire : donner une nouvelle d’une telle ampleur aux parents qui ne sont
pas préparés à entendre qu'ils ne verront plus leur fils, l’a secoué.
Les adolescents
sont fragiles, et une telle expérience a fait que l’alcool et les drogues entrent
dans leurs vies et se répandent comme une toile d’araignée. Mais le temps passe
et tous ont poursuivi leur vie. Tous, sauf un, pensait-elle.
Beaucoup d’années
ont passé, mais quand elle a entendu le nom de cette
montagne
elle s’est rappelée aussi de ce poème qu’elle écrivit à dix-huit ans, que — à
cause de sa douleur — elle l’avait intitulé « Poème de solitude et de
désespoir » et que, comme un grand trésor, elle l’avait caché au fond de
ses souvenirs :
Souffle la Tramontane.
Le vent emporte tes derniers mots,
tes derniers désirs.
Mon dernier soupir.
Je ne me souviens pas de ton dernier
baiser,
de ta dernière embrassade.
Mais je vois toujours ton regard.
Et… j’entends les sirènes, les pleurs, les
lamentations.
Souffle le Mistral.
La mer emporte souvenirs,
douleurs et joies.
Le Levant, la vie.
22. Baiser
23. Je n’en ai jamais parlé à personne
Je m’appelle David et je suis né dans une ville de l’altiplano péruvien à mi chemin entre la terre et le ciel. Je me souviens de mon enfance à Ayacucho à l’abri de ses trente-trois églises, caressée par l’imposant son des cloches, qui se mettaient d’accord pour jouer une symphonie toutes en même temps. Cet endroit toujours ensoleillé et surveillé par les dieux, donnait une sensation de protection très forte, presque divine.
Je grandis là et mes frères et sœurs plus âgés
partirent à la capitale chercher une vie différente, une aventure de jeunesse
que je ne compris jamais car il n’existait pas un lieu plus merveilleux que
celui qui nous avait vu naître. Je restai avec ma mère veuve à la maison
familiale, maintenant vide, froide et assez lugubre. J’allais tous les jours à
la faculté pour suivre mes études de droit et j’étais entourée de plein d’amis
et d’amours comme n’importe qui.
Un jour, ma mère décida de louer les chambres
vides. Ainsi, la maison aurait plus de chaleur humaine, et son fils préféré,
pensait-elle, pourrait avoir des revenus supplémentaires qui lui donneraient
plus de possibilités et de commodités.
Un vendredi soir, je revins de la faculté où j’avais
partagé un verre avec mes collègues et je trouvai sept agents de police qui
m’attendaient à la porte de chez moi accompagnés de ma mère qui faisait une
tête très perturbée et effrayée. Nous avions entendu parler qu’un groupe très
violent, le sentier lumineux, qui avait décidé de semer la peur, la violence et
le mal dans cette ville bénie par les anges.
Les agents firent irruption tout à coup chez moi,
mirent tout sens dessus dessous, trouvèrent un mouchoir rouge de ma mère et
m’arrêtèrent pendant trois heures ainsi qu’à trois de nos locataires.
Plus tard je fus libérée et je m’assis sur mon lit
perdue dans mes pensées et confuse. Dans ce moment d’aliénation, j’entendis un
fort tumulte derrière la porte et tout à coup, trois de mes locataires frappèrent
à la porte et entrèrent dans ma chambre avec un pistolet à la main. L’un d’eux
posa une arme sur ma tempe et appuya sur la gâchette.
-Nous avons raté le tir, dit une voix agressive et
enrouée. La prochaine fois nous ne le raterons pas.
Le jour suivant, après une nuit de cauchemars et de
profond désarroi, je m’habillai et pris le chemin de la faculté livres à
la main. À mi chemin, je m’arrêtai, je
réfléchis et pris la route de gauche. Après une heure de promenade, je levai la
tête et je vis un grand bâtiment public qui avait un grand écriteau sur sa
façade : « ÉCOLE DE POLICE ». Je me dirigeai au guichet pour les
jeunes candidats.
Je n’en ai jamais parlé à personne mais ce jour-là
j’ai compris qu’on a beau lutter contre son destin, le destin est têtu et
emporte les personnes comme un ouragan. Peu importe si on habite dans un
paradis surveillé par les dieux !
24. RAMONA.
Le soleil se levait à l’est de Tijuana dessinant à
l’horizon une poussière rougeâtre qui
teignait de sang le désert qui entourait la ville frontalière du nord du
Mexique.
Ramona ne s’était pas encore réveillée. Dans les
cabanes de la banlieue de la ville restaient seulement quelques vieilles
grands-mères qui faisaient le ménage au dehors, dans la rue, sans parler, tête
baissée, attendant la chaleur du soleil dans ce jour froid d’hiver, presque
gelé. Soudain le bruit d’un camion
attira l’attention des voisins ;
comme d’habitude, c’était une escouade de l’armée qui faisait des
patrouilles policières dans la lutte contre le « narcotrafic ».
Ce bruit éveilla Ramona, qui tressaillit et sauta sur son lit. Aujourd’hui elle devait
commencer une nouvelle vie dans un autre pays. Jusqu’à présent elle n’avait pas
eu de chance. Née dans une petite ville du Sud du pays, sans avoir connu son
père, travaillant depuis son
enfance avec sa mère, exploitée par le
patron de l’Hacienda qui les faisait travailler du levé au couché du soleil. Elle avait eu une enfance
malheureuse. Ramona tremblait encore
quand elle se souvenait de son beau-père qui l’avait violée le jour de son
onzième anniversaire. Mais dans son cœur elle cachait l’espoir d’un changement,
il y avait de la vie en dehors de l’Hacienda ! Bien sûr, elle le savait et
chaque nuit pour se rassurer elle regardait les images de ce vieux magazine
qu’elle avait trouvé dans un coin du chemin qui traversait le petit village de
l’Hacienda. Elle regardait attentivement ces femmes bien habillées, ces enfants
bien nourris, si différents de ceux du
village, ces voitures si jolies qu’elle n’avait jamais vues quand elle allait
au chef-lieu de la contrée.
Quelquefois le matin en travaillant dans les marécages, elle se demandait si cela existait vraiment, si
c’était seulement imaginaire, cette
incertitude l’encourageait à fuir, elle voulait prendre le chemin vers
le Nord où elle trouverait ce nouveau monde auquel elle rêvait de plus en plus.
Trois années s’étaient écoulées depuis le jour de sa fuite, son parcours
avait été lourd et douloureux. Déguisée en garçon, Ramona avait traversé tout
son pays pour se rendre dans le Nord, quelquefois sans rien manger pendant
trois jours, marchant pieds nus la plupart de son chemin, outragée par des
policiers corrompus, toujours prêts à
lui voler l’argent qu’elle ne portait pas, mais qu’après l’avoir battue et identifiée le exigeaient et
finalement prenaient leur paiement en espèces.
Arrivée à Tijuana, Ramona était ravie d’elle-même, elle envisageait déjà
la fin de son dur parcours vers la terre promise et cela lui redonnait de
nouvelles forces et nourrissait chaque jour son espoir. Dans l’ignorance des
choses du monde elle travaillait
comme couturière dans une usine
textile près de la frontière
nord-américaine. Mois après mois elle avait réussi à mettre de côté tout l’argent dont elle
avait besoin pour payer un « coyote »
qui l’aiderait à passer la
frontière.
Aujourd’hui, on lui avait donné rendez-vous tard dans la nuit. On
l’attendait dans un petit hôtel aux environs de la Ligne. Elle y était déjà
arrivée. Anxieuse, Ramona regardait par-ci et par-là, des jeunes filles se
pressaient pour se rendre à l’hôtel, toutes très jolies comme elle et portant
de petits fardeaux. En se joignant les unes aux autres, elles commencèrent à bavarder sur leur
avenir. Un camion apparut, Ramona se souvint tout de suite qu’il faisait le
même bruit qui l’avait réveillée ce matin, mais de ce camion descendirent des
hommes qui portaient des fouets avec lesquels ils encerclèrent toutes les
femmes pour les obliger à monter dans le camion. Elle reconnut parmi ces hommes le « coyote » qui
devait la guider vers le Nord, elle l’appela mais il ne répondit pas.
Entassées dans le camion, les jeunes filles attendaient leur destination ; soudain Ramona
regarda le soleil qui commençait à se lever, tout de suite elle comprit que le
camion se dirigeait vers le sud. Elle tressaillit de peur pour son avenir, et
écouta dans son for intérieur un mot : prostitution.
25. Pas mon jour
26. 150 GRAMMES
- Laurent,
nous devons parler.
- Je sais. Maintenant non Alice, j’arrive en retard
au travail. Au revoir.
- Mais...
Alice et Laurent sont en couple depuis 17 ans. Ils se
sont connus à l’université, il y a 20 ans. Après avoir renforcé une grande
amitié, ils sont tombés amoureux l’un de l’autre.
Ils vivent ensemble depuis 15 ans dans une maison
d’un petit village de la côte sud de la
France.
Laurent
travaille comme représentant d’une entreprise de cosmétiques et Alice
est infirmière de l’hôpital de la région. Ils passent beaucoup d’heures au travail, c’est pour ça
qu’ils ne se sont seulement presque vus que les week-ends.
Ils n’ont pas d’enfants. Ça a été une décision qu’ils
ont pris ensemble.
Malgré l’amour entre eux, leur relation ne va pas
bien depuis un an. Ils ne se sont voient pas trop longtemps et, toujours, ils
parlent du travail ou des problèmes; mais ils ne parlent jamais de leur
relation.
Le samedi suivant, où ils ne travaillent pas, Alice
est en train de cuisiner un gâteau au chocolat quand Laurent se lève.
- Bonjour ma chérie.
- Bonjour Laurent. J’ai fait du café.
- Merci. Tu fais quoi ? Un gâteau ?
- Oui, le gâteau au chocolat. Il y a la recette ici.
- Ah.
(Laurent regarde la recette du gâteau à coté de
laquelle il y a des notes).
- Tu te rappelles?
- Oui Alice, notre recette d’amour.
- Oui. C’était
la recette du gâteau de ma grand-mère. Elle était si facile et bonne que
je la faisais toujours. Et quand nous nous sommes fiancés, nous avons fait
notre propre recette.
- Bien sûr. Nous avons changé les 150 grammes de
farine pour l’amitié.
- Et les 150 grammes de sucre pour la sincérité.
- Les 150 grammes de cacao pour la confiance.
- Du lait pour la bonne humeur et les œufs pour la
passion.
- Oui, et de
la levure pour le sexe. Mais nous avons décidé que les grammes n’étaient pas
suffisants.
- Oui, on doublait la quantité. Sans la levure, les
desserts ne sont ni doux ni spongieux.
- Non Alice,
nous la triplions; et nous avions
amélioré le dessert. Bien sûr !
Ils se mettent à rire…Des rires mélangés avec des
regards. Ils s’embrassent. Alice se met à pleurer.
- Alice, ne pleures pas. Tu sais que je t’aime?
- Oui, et tu sais que je t’aime aussi, de tout mon
cœur.
- Oui, je le sais.
- Mais, dernièrement, quand nous sommes
ensemble, j’ai besoin de 150 grammes de
tilleul pour supporter ta mauvaise humeur. Suis-je celle qui provoque cette
humeur ? Dis-moi, Laurent ?.
- Non ma chérie, c’est le travail, tu sais...Mon
imbécile de chef qui nous exploite. Je n’en peux plus. Moi, j’ai besoin du
tilleul pour le supporter !
- Tu dois laisser ton travail.
- Aujourd’hui, avec autant de chômage, je ne peux
pas.
- Oui, tu peux. Je t’aiderai à chercher un nouveau
travail.
- Alice, ça n’est pas facile.
- Si, ça l’est. Maintenant ça ressemble à une montagne
trop difficile à monter car tu t’es adapté à ce travail, mais il faut changer.
- Je ne sais pas..... je ne sais pas si je pourrai.
- Tu veux être avec moi? Laurent, tu veux sauver notre couple?
- Oui, je le veux. Bien sûr.
- Donc, tu dois le faire, et le plus vite possible.
Dès demain.
- D’accord. Je le ferai. Alice, je t’aime.
- Moi aussi, Laurent.
- Combien?
- Tu ne le sais pas?
- Si, 150 grammes.
- Oui, et ton amour, il peut se peser?
- Bien
sûr,.... 150 grammes au carré.
27. TOUS SES LIVRES
Madeleine était assise sur la balançoire auprès du feu.
Elle se balançait lentement d’un rythme monotone en essayant de calmer les
douleurs aigües de ses os, fatigués par le pas du temps et qui souffraient de
jour en jour.
Madeleine avait les cheveux argentés relevés en chignon qui laissait voir
sans entraves son front ridé. Ses yeux bleus et délavés regardaient à l’infini,
le regard perdu. Ses lèvres crevassées dessinaient un geste triste. Elle qui,
jadis s’était donnée corps et âme, avait besoin maintenant de répit. Dès que la
chaleur du feu la soulageait, son regard commençait à pétiller, ses joues
devenaient roses et son esprit éprouvait une joie calme et sereine. C’était
dans ces moments-là qu’elle prenait les livres qui demeuraient sur une petite
table à ses côtés. Tous ses livres, ses livres bien aimés, qui lui offraient
l’amour et la tendresse dont elle avait envie. Madeleine les embrassait et les
protégeait délicatement dans son giron. Après, tous ses livres, devenus objets
animés, doués d’une puissance méconnue, envahissaient son corps vieux et fané à
fin de coloniser chaque coin de sa peau et de son âme. Ensuite, tous ses
livres, tels que des soldats braves, combattaient de toutes leurs forces pour
vaincre tout ce qui la rendait malheureuse. La bataille avait commencé.
C’était dans ses moments-là que Madeleine ouvrait ses livres. En même temps
elle ouvrait grand les yeux. Les petits signes noirs de chaque ligne gagnaient
leur propre vie et commençaient à s’envoler librement. Ils voyageaient à
travers l’espace et le temps, traversaient le possible et l’impossible ;
d’autres lui montraient des histoires vécues par des inconnus que, bientôt,
elle connaîtrait parfaitement. Désormais, Madeleine n’était plus Madeleine.
Elle était un personnage de sang royal, une héroïne d’une histoire d’amour et
de jalousie, une méchante institutrice d’un château ténébreux ou un jeune
pirate aventurier.
Le sang coulait presque fou dans ses veines et ses artères lui donnant une
énergie auparavant inouïe. Petit à petit, la solitude et l’amertume subissaient
une défaite fortement attendue aux mains d’une armée en papier et encre.
Aussitôt finie la bataille, Madeleine se sentait fatiguée. La lutte avait
fait des ravages, cependant elle se sentait à l’aise. Dormir un peu lui
suffirait pour récupérer. Elle ferma les
yeux placidement tandis que les soldats, qui l’avaient colonisée, s’apprêtaient
à l’abandonner silencieusement sans faire du bruit.
Madeleine s’endormit pendant deux heures. Au moment de se réveiller, ses
articulations craquaient à tel point
qu’elle poussa un cri de douleur. Elle rangea tous ses livres sur la
petite table en même temps qu’elle disait bonjour à sa vie quotidienne, celle
qui était monotone, ennuyeuse et
solitaire ; une vie illuminée seulement par tous ses livres qu'elle n’avait jamais lus parce que Madeleine ne
savait pas lire.
28. Bruits
Elle avait toujours aimé cette maison, la vieille maison médiévale de la rue Francs-Bourgeois qu’elle n’avait jamais habitée mais devant laquelle, deux fois par semaine, Anne-Marie et son père s’asseyaient pour laisser voler leur imagination en inventant des histoires de princesses et de dragons. Après la mort de son père, elle ne l’avait plus visitée.
Ce jour-là, elle était stressée. Depuis presque deux
mois, elle cherchait un logement mais rien ne l’avait convaincue encore. C’est
alors qu’elle vit : « maison à louer » et un numéro de
téléphone. « Ça doit être un signal » pensa Anne-Marie en
introduisant la main dans sa poche pour extraire son portable.
- Allô ! M. Berger
à l’appareil.
- Bonjour, Monsieur. Je vous téléphone pour avoir un rendez-vous pour visiter la maison que vous avez à louer.
- Bonjour, Monsieur. Je vous téléphone pour avoir un rendez-vous pour visiter la maison que vous avez à louer.
- Pas de problème.
Êtes-vous très loin ? Je suis maintenant à la maison si vous voulez la
visiter.
- Quelle chance !
Je suis devant la porte.
La maison était vieille, mais parfaitement conditionnée
pour y rentrer de suite. Le prix, étonnamment, n’était pas cher. Elle avait
trouvé son foyer. Elle ne pouvait plus attendre, ce jour même, elle allait
déménager.
C’était la première nuit qu’elle passait dans sa nouvelle
maison. Soudain, elle était complètement éveillée. Il était trois heures du
matin et pourtant elle ne pouvait plus dormir. Quelque chose l’avait réveillé
mais maintenant tout était silencieux.
La deuxième nuit, une fois de plus, à trois heures du
matin quelque chose l’avait réveillé. Cette nuit-là, elle allait faire un
effort pour ne pas s’endormir de façon à pouvoir découvrir la raison de son
insomnie. Rien, silence, le reste de la nuit c’était le silence total !
La nuit suivante, elle allait enfin le découvrir, quelque
chose la réveillait à trois heures, c’était sûre ! Elle programma son
réveil à deux heures quarante-cinq. C’est alors qu’elle les écouta. À trois
heures pile. Des bruits s’écoutaient quelque part dans la maison. Elle les
écoutait à l’étage supérieur, toutefois il n’y existait pas de troisième étage.
Elle eut peur. Anne-Marie ferma la porte de sa chambre à clé pour sa propre
sécurité même lorsque les bruits ne s’entendaient plus. Le lendemain, elle
parlerait avec le propriétaire et examinerait la maison à fond.
Le propriétaire ne comprenait rien, c’était la première
fois qu’un locataire avait de tels
problèmes. Anne-Marie pensait que M. Berger ne lui disait pas toute la vérité.
Elle ferait ses recherches.
Les gens du quartier avaient leurs petites idées, la
plupart disait que tous les locataires abandonnaient la maison ou
disparaissaient à cause d’un fantôme. Anne-Marie décida de chercher dans les
anciens journaux de la bibliothèque municipale. Ce n’était pas possible! Un
homme très riche avait été assassiné dans le salon en 1845 mais son corps
n’avait jamais été retrouvé.
Elle examina le salon, rien de bizarre. Mais dans le
plafond du couloir, Anne-Marie découvrit une ouverture secrète. En
l’ouvrant, un escalier rétractile lui donna accès à une petite chambre.
Subitement, elle eut une terrible douleur, « un coup sur la tête,
peut-être ? » pensa-t-elle et sans pouvoir l’éviter, elle s’évanouit.
29. Passé inachevé
30. Sois pas gentil
31. Plus d’histoires
32. Vingt
Il est sept heures du matin, et je suis
déjà réveillée. Je ne sais pas pourquoi on s’est réveillée aussi tôt, parce que
je n’ai rien à faire. Ça doit être que je suis fatiguée de dormir et de me
reposer.
Ça fait trois ans déjà que je ne
travaille pas. J’ai touché le chômage pendant quelques mois et maintenant je
suis à la limite du désespoir.
Chaque jour la même routine: me
réveiller, préparer le petit déjeuner, me doucher et aller à la bibliothèque
pour lire le journal et voir s’il y a de nouvelles offres d’emploi. Après, me
promener dans les rues de la ville et chercher si un magasin a une affiche avec
une offre d’emploi, et finalement, livrer personnellement tous les curriculums
que j’ai imprimés dans une chemise. Maintenant c’est l’heure d’attendre et de
voir si j’ai de la chance.
Le reste du journée, c’est encore plus
monotone: aller manger chez moi, avec mes parents (même si j’ai déjà quarante
ans, j’ai dû y retourner quand on m’a licenciée). Après le repas, on se repose
sur le sofa et on regarde la télé jusqu’à neuf heures, jusqu’au dîner.
Je suis déprimée et je n’ai pas envie
de rien faire. Il y a longtemps que de mauvaises idées rôdent dans ma tête,
parce que je suis vraiment désespérée.
Mais aujourd’hui c’est le vingt
février. Aujourd’hui ça fait trois ans qu’on m’a licenciée. Il y a trois mois
je travaillais et je faisais très bien mon travail, en tout cas, c’est ce que
disait tout le monde, mais les comptes m’allaient pas bien et l’entretien
décida de fermer. C’est la raison pour laquelle aujourd’hui je me suis
réveillée avec une question : Qu’est-ce que je veux faire de ma vie? Voir
comment passent les jours, sans aucune nouveauté, avec la même routine et me
sentir à nouveau comme une petite fille à papa?
Alors, je me suis levée et j’ai
décidé : aujourd’hui, le vingt février 2013 c’est le jour D, le jour du
changement, le jour de la recherche d’emploi d’une manière différente,
avec illusion, imagination et créativité, en laissant faire mon triste curriculum;
c’est le jour de voir la vie avec des yeux d’une nouvelle couleur ; le
jour de jouir des promenades, des paysages. Aujourd’hui c’est le jour pour voir
l’aide que mes parents m’offrent, mais aussi le jour pour voir que c’est moi
qui doit se dégourdir et définir mon futur.
Le Vingt février, c’est le jour
pour lutter et pour avoir de
l’espoir : la chance va tourner !
33.
PETITE FILLE
Un jour je t’imaginais, un jour je te rêvais, un jour
je te souhaitais,....mais cela faisait longtemps que j’avais décidé de te faire
réalité.
Ça a été des années pleines de doutes, d’indécisions,
surtout des années en me demandant des questions sur toi: la petite fille.
Finalement la décision a été prise et maintenant que
tu existes, je n’aurais jamais imaginée que ce jour aurait arrivé.
Toi, la petite fille, qui me regarde avec ces yeux si
expressifs et si bleus comme la mer,
Toi, la petite fille dont ta blanche peau c’est un
reflet de la lune dans le noir firmament et ton regard est fraiche comme le
printemps, m’inondes de bonheur à chaque fois que tu ris.
Toi, la petite fille que plusieurs fois je t’ai rêvé
en regardant le ciel étoilé, tu es mon rêve réalisé et toute l’harmonie de mon
existence.
Toi, ma petite fille, avec toi tout n’est que bonheur
et toute ta tendresse arrive à mon cœur quand tu tiens avec tes petites mains
mon doigt.
.
Toi, ma petite fille, même si tu m’as bien changé la vie, tu m ’as bien
comblé d’espoir (espérance) et d’illusion comme l’arc en ciel qui revient
toujours après la pluie, toi, ma petite fille, tu est le plus merveilleux
cadeau que j’aie pu avoir jamais.
Toi, ma petite fille, je t’écris ce poème pour te
montrer tout l’amour que tu me donnes plein d’une immense joie et gaieté.
Toi, ma petite fille, de tes yeux aux miens il y a un
petit pont ou l’amour y passe. Regardez-moi ma petite, car je ne me fatiguerai
jamais de le faire.
Toi, ma petite fille, le temps s´écoule, le temps se
passe, et toi, même si tu grandisses si
vite, je vois l’avenir plein de moments de tendresse en répétant ces moments où
je te couvrais et t’endormais dans mes bras.
Tu deviendras une grande fille mais toujours tu seras
la petite fille qui existe dans l’immensité de mon univers et aussi de
l’humanité mais qui toujours sera ma petite fille, la mienne.
34. La patience des buffles sous la pluie
35. Les
maigres
25 novembre 2019, Serge Raïs, Île de la
Réunion
Les maigres continuent à se raréfier en
métropole : d'après la dernière enquête à l’échelle nationale menée par le
ministère des Affaires sociales et de la santé publique, les maigres, c'est-à-dire,
ceux dont l'indice de masse corporelle est inférieur à 25 kg/m2, ne
représentent plus que 15 % de la population. Ces dernières données,
obtenues avec beaucoup de peine par les enquêteurs, étant affectés eux-mêmes
d'obésité, confirment que l'épidémie appelée « du surpoids spontané »
se répend rapidement et sans trêve. En trois mois –le temps écoulé depuis la dernière enquête officielle–, le taux d'affectés par le surpoids spontané a progressé de 37 %.
Selon la Commission scientifique nationale de
l'étude du surpoids spontané, dans deux mois l'épidémie touchera au moins
98 % de la population, moment où on s’attend à voir une stagnation de sa
propagation. Gravement empêchés par leur propre surpoids, les scientifiques
français en charge jusqu'à présent des études nationaux de ce phénomène
espèrent qu'un nombre suffisant de leurs collèges internationaux soit épargné
par ce véritable fléau, qui a une ampleur planétaire. La Commission consacre
ses dernières efforts à recenser les citoyens français qui n'ont pas montré de
signes de surpoids, pour rendre plus facile leur localisation à l'Aide Maigre
International (AMI) s'organisant au sein
de l'Organisation des Nations Unies.
L'AMI prévoie d'aérotransporter les sujets
maigres le souhaitant dans une des nombreuses îles du monde qui sont en train
de s’aménager pour isoler les maigres des obèses. De fait, depuis quelques
semaines, on a constaté certains cas troublants d'obèses qui sont devenus
violents car ils ne peuvent plus se rassasier. Ces obèses ont mordu d'autres
personnes, étant évidemment les autres obèses les cibles les plus simples à
atteindre à cause de leur mobilité réduite. La faim des obèses s'explique par
le manque de ravitaillement généralisé que subissent les villes le plus
fortement touchées par l'épidémie. Le peu de maigres qui restent refusent
d'aller dans certaines villes ou quartiers pour fournir des vivres, de peur
d'être mordus par les obèses, même s'ils ne sont pas trop habiles. Pour cette
raison, si rien ne l'empêche, une forte mortalité parmi les affectés par
l'épidémie est attendue dans les prochaines semaines.
36. “ENVIE”
Je m’appelle Eric et j’ai toujours eu envie d’être
comme mes frères, je suis jaloux d’eux. Je suis au milieu de trois frères et
croyez-moi si je vous dis que c’est le pire qui pourrait vous arriver…c’est la
mort !
Jean-Pierre est plus âgé que moi et il a débuté à
l’université cette année. Il est parti à Nice, là où il fait soleil toute
l’année. La plage, les gens sur la Promenade des Anglais, les belles filles en
maillot de bain, la Côte d’Azur à découvrir…le paradis terrestre ! Je souhaite
vivre comme lui, c’est mon rêve…
Didier est le benjamin de la famille, le préféré de mes parents…et aussi de
mes grands-parents, de ma cousine Emmanuelle (il peut la tripoter pendant les
réunions familiales...pas moi), de ma tante Clémentine…et même de Sultan, le
chien de la maison.
Tout le monde rit lorsqu’il dit n’importe quelle
bêtise, tout ce qu’il fait est parfait…j’en ai marre de lui. En plus, il est
dans l’équipe de football de la ville. Comme ça il fait de petits voyages un
dimanche sur deux et il visite d’autres endroits de la région…il a toujours du
bol, c’est un fait.
Et moi ? Pourquoi je ne peux pas être comme
eux ? Pourquoi je n’ai pas la liberté de Jean-Pierre ? Pourquoi je
dois être plus responsable que Didier et éviter de me battre avec lui lorsqu’il
jette un coup d’œil aux photos de mes promenades en montagne ?
(…)
Je suis Jean-Pierre et je manque à mes amis. J’ai
commencé l’université cette année et c’est dur. Je n’ai pas encore vu la plage
de Nice parce que je ne fais qu’étudier et aller à la fac. J’envie mon frère
Eric, il n’a pas encore fini le lycée…c’était bon ce temps-là !! Il est à
son aise chez-nous et mes parents ne le surveillent jamais…il a tout pour être
heureux !
(…)
Mon père a voulu que je m’appelle Didier car il est
fou de foot. Lorsque je suis né, la France a gagné le Mondial…Didier Deschamps
était le capitaine de notre équipe et au moment où il a pris la Coupe du
Monde…voilà l’idée : « le petit qui vient de naître, il s’appellera
comme lui : Didier !! ».
Mais je hais le foot. Mon père m’a inscrit à l’équipe
de la ville et il assiste à tous mes matchs… « Vas-y, Didier, ne
perds pas le ballon…vite, vite ! ». Chaque dimanche j’ai un match,
c’est toujours la même histoire…c’est une merde de ne pas pouvoir faire
d’autres choses ! Je suis jaloux de mon frère Eric…il fait des excusions
en montagne chaque week-end et j’adore ça. Ah oui, je voudrais faire des
excursions et grimper partout!!
(…)
Je m’appelle Michel - comme Michel Platini - et j’ai
trois enfants : Jean-Pierre, Eric et Didier…mais pour moi ils sont mes
petits Papin, Cantona et Deschamps. Ils
sont chanceux, trois garçons ensemble, parce que je n’ai qu’une sœur,
Clémentine, et je n’ai jamais pu faire un match de foot avec elle…
37. Je ne sais pas pourquoi
38. Passé
C’était le premier jour de cours en 1989.
Nous étions sur le point d’entrer dans la salle de cours… Tout à coup des
garçons aux cheveux rasés et portant des uniformes paramilitaires sont arrivés.
Marchant avec des bottes noires, ils rentraient d’un camp d’été.
Ailleurs, des centaines de dissidents
grimpaient sur les murs des embassades occidentales ou traversaient les
frontières vers l’Ouest. Notre état était en train de mourir.
Au lycée nous n’appartenions pas à un
groupe ordinaire, mais à une sorte de cobaye du proviseur. La seule chose
commune à nous c’était que aucun d’entre nous ne provenait de la classe
ouvrière. Parmi mes camarades il y avait des fils de fonctionnaires, de
médecins, de professeurs, d’artistes…, des fils autant de parents religieux que
d’athées, autant de socialistes convaincus, que de socialistes guère convaincus
et même d’opposants. Nous étions entrés au lycée sous un état et nous en sortions
sous un autre.
Le jour de la chute du mur de Berlin, le
professeur d’histoire et d’éthique politique nationale nous avait expliqué les
bases du régime, en nous montrant le pavé que nous devions apprendre par cœur.
Cette nuit-là tous dormîmes. Le lendemain quelques copains séchèrent le cours.
D’autres telephonèrent à la police pour savoir si la frontière était encore
ouverte. Pour tous deux années d’anarchie venaient de commencer.
Peu à peu on pouvait éprouver la sensation
agréable du protagonisme et aussi du pouvoir. Le redoutable professeur
d’histoire et d’éthique politique disparut tout simplement, et le pavé à
mémoriser resta au coin de l’étagère de la vieille bibliothèque. Le système se
dissolvait sous nos pieds, et nous étions les témoins de sa disparition. Dès
lors, des journalistes sont venus à plusieurs reprises au lycée pour nous
interviewer, en tant que génération du changement. Là mes camarades de classe
réagissaient d’emblée toujours en souriant ; ensuite ils s’efforçaient
d’expliquer leurs sentiments et finissaient avec des expressions comme « c’était de la folie! ».
Lors des premières élections, les uns
faisaient la fête tandis que d’autres brandissaient l’ancien drapeau
communiste ; mais on était tous de bonne humeur, quand même.
Vingt ans après nous nous sommes réunis
pour un repas d’amitié. La plupart habitons à l’Ouest, dans des appartements
dignes ; nous possedons une voiture et menons des vies assez stressées,
travaillant pour rembourser nos crédits..., hormis deux copains qui sont au
chômage.
D’un côté, notre apparence physique a peu
changé; de l’autre côté les sujets de conversations sont tout à fait divers.
Les copines ont causé sans cesse de la mode et de leurs enfants. Quant aux
hommes, nous avons discuté de foot et d’investissements.
Nous avons beau avoir parcouru des chemins
divergents et s’être adapté au style de vie actuel de la consommation et la
mondialisation, nous ressentons à la limite cette liaison intime du passé
commun. Il ne s’agit pas d’un simple souvenir intellectuel, mais d’un sentiment
d’appartenance à un monde disparu, qui aujourd’hui semble un peu irréel. Nous
avons éprouvé que rien n’est éternel.
Le 11 Novembre 2011: un jour
magique, un jour spécial ou un jour de chance ? Beaucoup de gens pensaient
comme cela et avaient acheté un billet de loterie ou croyaient que ce jour-là il
arriverait des évènements extraordinaires ou des phénomènes paranormaux.
Cependant comme je ne suis pas superstitieuse je n’avais jamais pensé que ce
jour-là changerait ma vie.
Comme chaque jour j’allai
travailler en bus. Je méditais sur la situation de l’entreprise qui avait
empiré pendant la dernière année. Quelques collègues avaient été licenciés et nous
craignions tous d’être les suivants.
Hélas, ce jour-là ce cauchemar
devint une réalité. À 8:11 le Directeur des ressources humaines me téléphona
pour me communiquer la nouvelle avec cet euphémisme: « dès demain
l’entreprise n’aura plus besoin de vos services». Heureusement le jour venait
de commencer, et tout changerait.
À 11 heures -quelle hasard!- je
reçus un appel de l’avocat de ma défunte tante, Magalie: «Vous êtes la principale
héritière de ses biens; elle vous donne sa petite affaire, un petit café nommé
«Café Paris» et une certaine quantité d’argent».
Après avoir raccroché le
téléphone je commençai à réfléchir: «qu’est ce que je pouvais faire avec ce
café? Le vendre?» La vérité était que jusqu’à ce jour j’étais une simple
secrétaire donc je ne savais rien sur le monde des cafés et comment les gérer.
En plus, ce local avait besoin
d’un important investissement pour sa restauration puisqu’il était vieux et
démodé. Je ne savais pas quoi faire.
Tandis que j’étais complètement
absorbée par cette nouveauté, le téléphone sonna. C’était ma meilleure amie,
Emilie. Elle avait eu une mauvaise journée; son contrat de travail s’était
terminé aujourd’hui et il n’y avait aucune possibilité de rénovation, elle
avait besoin d’une amie pour l’écouter.
Lorsqu’elle eut fini de raconter
sa situation, j’ai commencé à lui raconter mon licenciement et ma nouvelle
situation de propriétaire d’un ancien café. Au début je pensais qu’elle ne me
écoutait pas parce qu’elle ne disait rien, mais, au contraire, elle était très
intéressée et finalement elle me fit une
proposition:
«Un de mes rêves est de travailler
dans un café chic et accueillant comme serveuse, et de devenir presque une
psychologue des personnes qui ont besoin de compagnie, et surtout être une
conteuse d’histoires et de contes» Elle continua: «je suis une bonne
conteuse, parce que j’ai gagné quelques concours». Elle ajouta: «Naturellement
ma proposition inclut la restauration et la transformation du local, puisque j’ai quelques économies».
Au début, son idée me semblait
une folie, cependant, au fur et à mesure qu’elle me l’expliquait, je me rendis
compte que mon rêve était de gagner ma vie comme pâtissière et de combler les envies
des grands et des petits. Ce café pourrait être, en même temps, notre nouvelle
manière de vivre et l’accomplissement d’un rêve, un lieu où les gens pourraient
déguster des gâteaux délicieux et irrésistibles en bonne compagnie et en écoutant
de merveilleuses histoires.
Nous savions que ce ne serait
pas facile, mais avec un grand travail en équipe et une forte illusion, ce
serait possible. Seulement une autre chose, il fallait trouver un nom…
«À mon avis le nom doit être simple mais il faut qu’il
exprime l’idée qu’on propose»
«Oui, hummmm : MOTS DOUX!»
«Parfait!»
40. Terre de feu
“Une jeune fille m'arrive. Elle m'offre un éclat de lumière brune. C'est la mort qui vient m'emporter?” Dans cette chambre d'hôpital, il avait passé ces trois derniers mois, la mort l'attendait. Les drogues l'avaient anéanti. Il avait connu, il y a longtemps, une princesse bronzée, comme celle-ci. “Je suis ici pour vous calmer, on m'a parlé de vous, monsieur l'étranger”.
DE L'EAU
Candela lui offrit à nouveau de l'eau, en sortant de la piscine, les mains plates, sur la surface ridée du carrelage volcanique. Elle avait les avant-bras forts, en un geste elle sortit de la piscine. Le dos dégioulinant, bronzé, brûlant. Après, la ceinture, de couleur de terre. Debout, l'eau perlait sur sa peau, rouillée. Candela était comme l'île, aride et sèche, sous l'effet des alizés, où l'eau est un cadeau précieux.
Après avoir dîné, ils volèrent sous le toit, dans la mansarde tiède où elle habitait pendant les mois de travail. Quand la fenêtre s'ouvrit, l’alizé les glaça. Ils tombèrent sur les draps crème, chauds et odorants. Ils sentaient le souffre.
Il était arrivé à l'hôtel de Las Playas afin de connaître le restaurant. Il ne savait pas qu' il y rencontrerait la sorcière de la Boîte. Par contre, il s'était donné rendez-vous une autre fois. Depuis quinze jours, il la voyait et en était satisfait. En traversant le hall, un rayon lui frappa la pupille. Au fond, dans un petit bureau, Candela lui souriait, habillée en rouge, d' une veste masculine.
”Bonsoir, je viens de finir ma journée et j'ai faim. Pourriez-vous m'inviter? Demain matin je dois travailler, il faut profiter de la nuit. Je vais nager...”
BOÎTE DE FEU
Son regard contre le mur de la spirale, au coin d'une baffle. Montée en haut, il y avait une femme énigmatique, brune et dorée, telle une princesse “guanche”. Elle dansait frénétiquement, habillée en noir. Un foulard serré sur les seins, une minijupe scintillante, aux pieds nus.
Il avait un verre à la main. Elle le regarda, un feu blessa l’œil de l'étranger. Elle descendit:
- Donnez-moi une gorgée.
Il prit sa main et l'attira violemment contre lui. Il la prit par les hanches.
Cette boîte était une grotte en carton-pâte, sans prétention, provinciale, avec des dessins primitifs sur les faux murs: la spirale, des ronds, des signes ou des lettres copiées des inscriptions de la coulée de Julan. Cependant, cet endroit, accueillant, lui avait réveillé le désir. Il s'y sentait enflammé.
Ils salivèrent, une source d'eau sucrée parvint sur la terre volcanique.
Le soleil les réveilla à Guarazoca, où il avait loué une maison. La peau brunie de Candela se mélangeait avec les rayons blancs du matin. Elle s'habilla et elle prit la voiture. Elle était pressée, elle se dirigea vers l'hôtel de l'autre côté du Hierro. “Je laisse la terre fertile pour revenir sur la terre des alizés...”
LA NAUSÉE
À l'aube:
- Mon étranger, s'il vous plaît, fermez bien la porte. Je dois descendre, je travaille.
- À trois heures, nous pourrions nous retrouver à côté de l'hôtel le plus petit du monde. Je voudrais que vous me montriez les siphons du Golfe. Je sais qu'il y a une belle légende, celle de Guarazoca et de l'étranger. Je voudrais l'écouter... Et moi, je vous raconterai qui c'est moi, où j'habite...
- D'accord!
- Mon avion part ce soir, à huit heures...
Elle descend. Elle traverse le hall et demande un café. Alors, le café puait, le monde bougeait. Candela est tombée par terre. Elle vomit. La terre brûlante devient gelée.
Le vacarme des siphons irisés l'ont accompagné pendant trois heures, en attendant Candela. Les boursouflures magmatiques étaient devenues sources d'eau salée. Les coulées de lave étaient descendues, autrefois, depuis le cratère le plus haut de l'île vers ce morceau de terre. La croûte de terre s'était cassée, enfoncée. Il était ému devant le gruyère du Golfe. Finalement, à six heures, il appela un taxi.
DE L'AIR
L'avion s'envola à huit heures. Un regard aérien sur l'île, couverte de brouillard. Il traversait la pluie horizontale, sa fierté blessée.
41. Dernier mail
42. Arnaque
L’arnaque arrivât dans ma vie avant même que je naisse. Juliette et Louis faisaient bon ménage, car qui se ressemble s’assemble. Ces deux escrocs ont essayé de m’éduquer, mais ils ont dû apprendre une leçon : on ne peut pas lutter contre sa nature.
La première fois que le juge me convoqua je n’avais
que douze ans. Il me posa des questions bizarres : Est-ce que vous êtes
heureux chez vous ? Est-ce qu’à l’école ça va bien ? Juliette et
Louis m’apprirent à donner des réponses simples et positives.
Les comparutions se succédèrent d’année en année.
Au fur et à mesure j’ai appris à raconter ce que Juliette, Louis et le juge
voulaient écouter. C’était la meilleure manière de satisfaire mes caprices.
Mes échecs scolaires, mes disputes avec les
professeurs, les retards à l’heure de rentrer à la maison n’ont jamais supposé
de gros problèmes.
La vérité m’arrivât sans que je la cherchasse. À
cette époque-là, Juliette était plus
pénible que jamais. Elle pleurait sans
raisons et se disputait avec Louis plus souvent que jamais.
J’étais très à l’aise. Je faisais ma vie sans
soucis. À mes dix-sept ans, le juge me
convoqua à nouveau. Cette fois, il y avait dans la salle une femme maigre qui
faisait une mauvaise mine. En me voyant elle commença à pleurer. Le juge
s’adressa à moi :
-
Monsieur Dupuis on vous a convoqué aujourd’hui parce que
Madame Martin demande sa reconnaissance comme
votre mère naturelle. Le ministère public sera celui qui exercera votre tutelle dans ce processus.
Vous avez aussi le droit de parole, mais le fiscal m’a demandé d’avoir un
entretien privé avec vous, pour mieux défendre vos intérêts. Est-ce-que vous
aimeriez vous entretenir avec le fiscal ?
- Oui monsieur – j’ai répondu d’une manière simple et
positive, sans trop réfléchir, comme Juliette et Louis m’avait apprit
autrefois.
Le fiscal, monsieur Dumas, m’a tout expliqué. Ma
mère, Sarah Clovis, était une toxicomane sans moyen. Les services sociaux m’ont
pris à sa charge et m’ont donné en adoption chez les Dupuis, car Sarah n’était
pas capable de m’élever. Elle ne voulait même pas accoucher, elle n’était
intéressée que par la drogue.
Sarah Clovis avait découvert qui étaient mes
parents adoptifs. Elle leur a fait du chantage, en les menaçant de me raconter
toute la vérité. Par manque de moyens, ils n’ont pas pu accéder à ses demandes.
J’ai demandé au fiscal de rencontrer mes parents
adoptifs. Je leur ai exposé mes envies : je ne voulais pas qu’ils me contrôlent. Je voulais avoir tout ce que je voulais. Ils
ont accepté.
43. Infirmeries
44. SEUL
« Tout seul, tout seul sur un bateau de bois/
tout seul, tout seul je suis seul avec moi ». Les paroles de Moustaki
résonnent dans mon cerveau depuis que ses symptômes d’Alzheimer sont arrivés au
point qu’elle ne parle jamais. Je vois ses yeux, vides, et sa bouche qui sourit
toujours, et je pense : «elle est heureuse, mais elle n’est pas ici, elle
est déjà partie vers un monde dont je ne connais rien, où je ne pourrai jamais
voyager».
On étudiait tous les deux à l’université. Elle avait dix-neuf ans la
première fois que je l’ai vue, en train d’expliquer au nombreux public qui
s’était réuni dans la salle de conférences pourquoi on devait constituer une
association d’étudiants, la première après la dictature. Dès que j’ai réussi à
lui parler en prenant une bière après l’assemblée, j’ai su qu’elle serait la
pièce la plus importante de ma vie. Ses cheveux longs et d’un noir intense et
ses yeux verts m’ont arraché l’âme. Mes amis se moquaient toujours de moi,
parce qu’elle ne représentait pas le type de femme qui jusqu'à ce moment
m’avait attiré. Mes anciennes petites amies avaient toujours été minces, plutôt
anorexiques, blondes et d’une beauté frappante. Et Justine n’était pas vraiment
jolie, ni attirante, à leur avis. C’est vrai, on dirait qu’elle n’était pas
mince, c’était une femme plutôt généreuse, on dirait dodue. Et ça constituait
pour moi son véritable charme, un mélange de volupté et de sensualité qui
filtrait à travers chaque pore de sa peau.
Un an après l’assemblée, on vivait déjà
ensemble dans un petit meublé au centre de la ville, un habitacle minuscule
mais chaud et confortable à coté de la cathédrale. On a continué à étudier et,
trois ans après, on ouvrait notre propre bureau de design graphique. Les années
ont passé et on n’a jamais trouvé le temps pour former une famille —on a
toujours pensé que les enfants étaient un fardeau, on voulait faire tellement
de choses…— On voyageait une fois par an, et nos voyages duraient un mois au
moins. On peut dire qu’on connaît tous les continents ! Et le temps passe
vite quand tu as toutes les nécessités couvertes et que tu ne dois t’occuper
que de toi. C’est égoïste, ça je ne peux pas le nier, mais c’est le type de vie
qu’on a choisi, et ni ma femme ni moi n’avons jamais eu le poids de ce choix
sur notre conscience.
Il y a dix ans qu’on a rangé nos valises dans
la mansarde. La maladie a commencé à se manifester imperceptiblement; des
petits oublis, des épisodes sporadiques de furie, mais, dès que j’ai été
conscient qu’il y avait quelque chose qui ne roulait pas bien et que j’ai
décidé de l’amener chez un spécialiste, les événements se sont succédés d’une
façon vertigineuse.
Maintenant elle est assise devant moi, son
corps est là mais pas elle. Et je suis seul, très seul. Ma compagne est morte
depuis longtemps, mais personne ne le sait.
45. LE TYPE DE
MES RÊVES
Un jour, deux
jeunes femmes parlaient autour d’un café. Il y avait longtemps qu’elles
n’avaient pas eu un rendez-vous. Elles parlaient des événements passés, de
toutes ces années pendant lesquelles elles ne s’étaient pas rencontrées. Les
deux amies bavardaient de choses et d’autres. Cependant, le sujet préféré était
décidément toujours celui des hommes :
- Tu
sais ? J’ai trouvé mon prince de contes de fées !
- Le prince
charmant ? Pas possible !
- Mais
oui ! J’ai été sous son charme dès la première seconde.
- Un prince
charmant c’est trop peu pour toi. Il est trop parfait pour être honnête.
- Mais
non ! Il a ses petits défauts et c’est cela qui le rend si séduisant à mes
yeux !
Elle lui
raconta que son petit ami avait une certaine allure et du bon goût. Son look fut toujours la
première chose qu’elle regarda chez un mec.
Presque à la
fin de leur café, les femmes continuaient à discuter sur le type de leurs
rêves :
- Et
voilà ! J’ai trouvé le type de mes rêves !
- Il n’existe
pas « le type de mes rêves » Qu’est-ce que tu entends pour ça ?
Un homme fidèle qui n’a pas peur d’aimer? Un bel homme avec du charme et le
feeling de Guillaume Canet ou le charisme et le sourire de Brad
Pitt ? Ou bien tu préfères un Robert Redford qui te dis : « Je
t’aime tellement que ça me fait du mal » ? C’est mieux un Richard
Gere qui vient te chercher au boulot avec sa plus belle tenue et une rose à la
main pour toi ?
- Ce sont tous,
les types de mes rêves… !
- Ce n’est pas
tout à fait le type de mes rêves. Il s’agit d’acteurs qui jouent un rôle et qui
sont sortis d’un beau film romantique, mais pas réels. Bien sûr ma chérie,
j’aime un homme qui m’aime et qui me rend belle. Certes, j’aime beaucoup les
hommes. Parfois ils sont vachement et vraiment chouettes et mignons !
Néanmoins
méfiez-vous ! Mon père a toujours dit : « Tu dois te méfier des
hommes qui ont le nez au milieu du visage ».
46. Zigouillé tout le monde
47. Toutes
48. Gamberge
49. Sudoku
50. Vieux
51. Si elle pouvait
52. Projection
53. CE QU’ELLE ME TROUVE
Dès que je l’ai vue je suis tombé amoureux
d’elle. Un vrai coup de foudre. Brune, mince, élégante, des yeux de chat,
l’allure tranquille, la voix un peu somnolente et surtout, surtout, tendre,
très tendre. Pouvez-vous imaginer une créature plus adorable ? Et, vous savez ?, ce qui comble mon âme
c’est qu’elle aussi est amoureuse de moi. C’est un sentiment partagé par les
deux. C’est merveilleux, c’est l’extase. Mais vous pouvez me demander comment
je sais qu’elle m’aime, comment je peux être sûr de son amour, de sa fidélité.
Donc je peux vous répondre que je le sais parce que je sais bien ce qu’elle me
trouve, comment elle me voit. Et ne pensez pas que je me fais des idées, ce
sont des mots concrets qu’elle m’a adressés, des phrases et des faits où elle a
démontré ses sentiments envers moi. Maintenant je suis tellement ravi que je
n’ai pas de problèmes, même s’il s’agit d’un domaine intime, à vous raconter les
soins et les attentions qu’elle me consacre et les mots qui jaillissent de sa
voix veloutée. Jugez par vous-mêmes si elle m’aime ou pas.
Elle m’appelle, par exemple, « mon petit
amour », c’est joli, n’est-ce pas ?
Ce n’est pas tout le monde qui peut recevoir ce nom d’un être angélique.
Et parfois « joie de ma vie », ah. . . , quel plaisir! Je suis
sûr que beaucoup d’amoureux ne se disent pas de si belles choses.
Vous savez ?, je ne sais pas si je
dépasse les limites de la décence en parlant comme ça, mais je vous avoue
qu’elle me caresse sans cesse, même si nous ne sommes pas tout seuls. Ça prouve
que notre relation est déjà bien établie et ancrée, nous n’avons plus honte d’être vus ensemble. En même temps elle
fait des louanges de mon corps : « quel dos, mon amour !,
quelles cuisses !, quels muscles, je les aime !, je vous
trouve parfait, joie de ma vie !» Et, pour finir, ce qui me rend
absolument fou amoureux, c’est que, pendant les repas, elle approche
parfois sa main de ma bouche et m’invite à manger de ce qu’elle a choisi avec
ses doigts délicats. Vous imaginez ?, je suis au ciel. . .
. . . La prudence me conseille d’arrêter ici,
je ne veux pas créer la polémique, vous comprenez, n’est-ce pas ? Je suis
sûr que vous avez déjà saisi l’importance de notre amour. Mais . . . seulement
un petit détail de plus, j’avais oublié. Je pense que celui-ci confirme la
confiance qui existe entre nous. Alors, écoutez, la dernière fois qu’on s’est
vus, aujourd’hui, elle a commencé à parler, on pourrait dire, . . . avec des métaphores ! Vous
comprenez la hauteur spirituelle que cela signifie ? Ma propre estime est
montée au maximum, même si je n’ai pas tout compris. Elle parlait d’un grand
repas avec les amis où je serais le héros . . . Voilà la dernière phrase qu’elle
a prononcée avant de me dire au revoir:
« Mon petit
cochon chéri, tu vas être délicieux demain avec des pommes de terres au
four! »
C’est adorable, n’est-ce pas ? J’attends
demain avec ferveur.
54. L’état de grâce
55. Surprise
56.
BANDE DE CONS
Il est beau son visage ! Si beau que, seulement en l’imaginant,
je peux oublier tous les problèmes de la journée et m’enfoncer dans le sommeil
le plus profond et désaliénant! Je vois ses cheveux, longs et légers comme les
branches d’un saule pleureur qui se balancent au caprice du vent. Quand le
plaisir vaporeux de son parfum d’ambre m’élève jusqu’au ciel, je m’endors
placidement pour me livrer en aveugle à cette couleur bleue voilée de blanc. Le
voile est mon tapis roulant vers le bonheur suprême. Le vent me caresse
amoureusement les mains, les joues, les lèvres. Pendant mon voyage j’écoute de
la musique inconnue, parfois très rythmée, parfois plus mélodieuse, toujours
exotique. Zzzz…, zzzz… bourdonne mon voile-tapis roulant, la…, la…je chante,
zzzz…zzzz… zut! Bourdonne mon…tapis
roulant ?
Qui a eu l’audace d’interrompre mes rêves ? C’est
quoi ce bruit insupportable, cette musique atroce ? Ah ! Je sais ! Je vous ai
trouvés, bande de cons ! Vous n’échapperez pas, bons à rien, petites couilles !
Vous ne foutrez plus jamais les pieds sous ma fenêtre ! Jamais de la vie !
Parce que je vous buterai un par un sans aucun remords. Pas un ne restera,
trompettistes de l’enfer! Je vous hais, enfoirés, bâtards ! J’en ai plein le
cul de votre chanson de merde ! Taisez-vous !!! Je veux pioncer !!!
Ah, non !
Je vous connais, faux-culs, vous ne me la ferez pas ! Vous dites oui,
oui, mais le silence ne dure qu’une minute. Bavards ! Oui, je vous fais des
doigts d’honneur, mais vous ? Vous ne respectez rien, vous méritez la mort.
M’empêcher de dormir est pire que me casser la gueule. Vous payerez pour tout,
je vous jure ! Je vous tuerai tous. Je serai le plus célèbre des
meurtriers. Le monde entier m’applaudira, remerciera mon grand travail,
admirera la beauté de chaque assassinat. Et je serai aux anges car j’aurai fini
avec la cause de mon insomnie.
Ils ont claqué. Cette bande de cons n’existe plus. Je
l’ai fait par amour. Mon amour est tellement grand que je suis capable de
commettre la pire des tueries. Ils ne l’embêteront plus, ces crétins, et
dorénavant, mon lapin pourra dormir, et moi aussi. Je n’ai pas effacé les
pistes, encore. Les corps et mes empreintes sont là. Maintenant je veux
m’endormir avec le silence qui reste et cette image sanglante aux yeux. Demain,
quand mon amour ouvrira les yeux, je serai ravi de lui montrer mon
chef-d'œuvre.
Le premier con a eu une mort rapide et nette: chassé
au vol et disparu, c’est tout. Le second con était un gros connard ! Il avait
déjà bu du sang quand je l’ai écrasé contre ma peau ! Quel beau tatouage ! Le
troisième con a lutté un peu, mais finalement je l’ai réduit en poudre avec
l’insecticide. Le quatrième con a glissé sur le mur en dessinant un trait de
poussière argentée comme une étoile filante. Le dernier moustique a perdu ses
ailes avant de se noyer dans le verre de mon dentier. La prochaine fois,
réfléchissez bien avant de bourdonner à mon oreille, petite bande de cons !
58. Croire
Madame Dupont, Madame Dupont, réveillez-vous! que nous avons gagné à la loterie!.
Ses amies avaient acheté un billet pour Noël comme toutes
les années depuis qu’elle vivait à l’auberge, elle était déjà devenue une de
plus dans la « famille ».
Elles pensaient qu’elle faisait la sieste comme tous
les jours après le déjeuner, mais cette fois-ci, elle ne s’était pas réveillée.
Son cœur s’était arrêté juste le jour qu’elles avaient une bonne nouvelle pour
elle, une vraie bonne nouvelle et surtout réelle.
C’est difficile de survivre au deuxième infarctus à
son âge. Le premier fut il y a dix ans lorsque son époux mourut. Ils se
connaissaient depuis l’enfance et ils avaient partagé toute leur vie. Ils n’eurent pas d’enfants ni de famille
proche. Ils étaient tous les deux tout seuls.
Dans son quartier c’était une couple très apprécié de
tous. Ils étaient l propriétaires d’un grand nombre de bâtiments dans toute la
ville et ils avaient vécu toujours de
ces revenus. Ils étaient les plus riches du quartier mais en même temps ils étaient
les plus aimés et respectés car ils avaient eu toujours un mot aimable à dire,
une solution à n’importe quel problème et ils étaient toujours prêts à aider leurs
voisins.
Lorsque monsieur Dupont mourut, personne ne pouvait
imaginer l’avenir noir de sa femme. Six mois après son décès, elle était dans la pauvreté la plus absolue,
les dettes et le désespoir l’avaient conduite jusqu'à la mendicité. Tous croyaient que le jour de la
mort de son époux était le jour de sa propre mort.
Finalement, ses amis et ses voisins ont eu pitié
d’elle, elle changea sa maison pour l’auberge bienfaisante de la paroisse où
elle trouva hébergement, nourriture, compagnie et affection.
Personne, dans le quartier ne voulut rater ses
obsèques. Tous voulurent lui dire au revoir. Ses amis et ses connaissances
murmuraient de petites phrases comme « quel dommage, elle avait perdu la
tête » ou « c’était une bonne personne ».
Par ailleurs, toutes ses amies avaient décidé, par
respect pour Madame Dupont, que l’argent gagné par elle à la loterie, serait
donné à l’auberge, laquelle serait désormais nommé « L’Auberge de Madame
Dupont ».
Le jour de l’inauguration de la nouvelle auberge on
pouvait palper l’émotion. Avec le don, l’auberge aurait des fonds pour survivre
quelques années et les travaux accomplis avaient fait de l’auberge un endroit
plus accueillant.
Avant de commencer l’acte de présentation, Antoine,
le gérant de l’auberge trouva dans sa poche une enveloppe. Curieusement il
portait la même veste que le jour où mourut Madame Dupont, quand il est allé la
voir ce matin-là. Elle dût le lui mettre sans qu’il s’en aperçoive.
L’homme l’ouvrit et il lut la lettre pour lui-même.
Chers voisins, c’est moi, toujours moi, Madame Dupont. Je veux m’excuser pour
vous voir fait croire que j’avais perdu la tête. Après la mort de mon mari et
mon infarctus, j’étais trop seule dans la vie, et je compris qu’avec vous, mes
voisins et amis de l’auberge je pourrais avoir une deuxième vie et …. Je me
suis laissé emporter….
Maintenant, je veux vous remercier pour tout ce que
vous avez fait pour moi, pour vous être occupé de moi, par m’aider à continuer
à vivre dans l’espoir. Pendant ces dix dernières années, vous m’avez montré
avec chaque geste, avec chaque mot qu’on pouvait croire vraiment à la bonté de l’être humain.
Je suis désolée et je sais que je ne le méritais pas,
mais j’espère que vous saurez me pardonner.
Antoine pâlit et après une petite réflexion, il
décida de rien dire aux personnes présentes. Ça sera comme un secret de
confession, finalement tous crurent en elle.
60. Loin
61. Dix-huit ans
Sept heures du matin, le réveil sonne et Brigitte se lève mi- assoupie du lit. D’habitude c’est elle la première à se lever mais aujourd’hui Lucien, son fils, a un examen de maths et la lumière de sa chambre est déjà allumée. « C’est joli mon gros bébé ». Lucian a quinze ans, il est mince avec une longue chevelure noire et les yeux verts de son grand-père. Elle bouge avec calme dans la cuisine, marbre noir, aluminium et verre, en ouvrant les portes des placards pour sortir ce qu’il faut pour le petit-déjeuner : des biscuits pour sa fille, tartine beurrée et confiture à la fraise pour son fils et deux petits bols pour les kellog’s de ses gamins. « Ils doivent être très bien alimentés pour réussir dans leurs études. L’alimentation est très importante et le petit-déjeuner est le repas le plus important de la journée ». Elle ouvre le frigo et prend le lait, après elle branche le nespresso pour le café noir de son mari. Jus d’orange pour tous. Lorsque tout est sur la table elle va réveiller sa petite princesse. Anna a huit ans et c’est vraiment une princesse, blonde et avec des joues rosées. « Maman je ne veux pas aller à l’école, j’ai sommeil ». Quand Brigitte finit de s’habiller et de coiffer Anna, Lucien part. «Au revoir à tous, je vais être en retard ». Son mari, costume cravate, il est cadre d’une entreprise de communication, place les chemises sur lesquelles il a travaillées jusqu’à plus de minuit dans sa serviette. Benoit attend qu’Anna finisse son petit-déjeuner pour l’emmener à la porte du collège.
Lorsque tout le monde est parti, la maison devient calme. Elle s’assoit
dans la cuisine pour prendre son café au lait, Brigitte allume la radio et
entend Zaz. « Donnez-moi une suite au Ritz, je n'en veux pas ! Des bijoux
de chez CHANEL, je n'en veux pas !». Brigitte laisse la tasse sur la table.
« Je Veux d'l'amour, d'la joie, de la bonne humeur, ce n'est pas votre
argent qui f'ra mon bonheur, moi j'veux crever la main sur le cœur…». Brigitte reste pensive long temps.
Siham vient d’arriver, c’est la femme marocaine qui fait le ménage trois
heures par jour. La chambre de Lucien, un bordel, celle d’Anna le château de
Barbie. Brigitte va dans le salon et elle s’arrête un instant à côté de la
table auxiliaire. Elle prend une photo. «Ce jour-là j’avais l’air d’une reine,
j’avais vingt-cinq ans. J’étais belle avec ma robe blanche ». Brigitte
prend son portable et elle appelle Benoit. «Allô ! ». « Tu as
oublié quelque chose ce matin ». « Quoi ? ». « C’est
l’anniversaire de notre mariage, dix-huit ans ». « Pardon ! J’avais
la tête ailleurs. On peut aller dîner quelque part ce soir ». « Trop
tard ». Brigitte coupe l’appel.
Brigitte prend une douche, se regarde dans le miroir, se met des vêtements
qui la stylisent plus, rouge à lèvres, du crayon noir et elle sort dans la rue.
62. Truite
63. Pouvoir
Arsène courait le plus vite possible. Il
était en retard pour l’école et il savait ce qui allait se passer s’il osait
entrer en classe cinq minutes après le début de la journée. Le professeur de
cette année était le plus horrible et affreux qui existe.
M.Langlet se trouvait derrière son bureau. Il
souria cruellement lorsqu’il vit Arsène devant la porte. Il lui demanda
d’écrire 500 fois « Je ne serais plus en retard ». C’était toujours
la même histoire. Si l’on était en retard, l’on se trompait, on n’avait pas
fait les devoirs ou l’on faisait quelque chose qu’il n’aimait pas il fallait
les recopier 500 fois. On se demandait ce qu’il faisait de ces milliers de
feuilles.
Il ridiculisait souvent Nikolai lorsqu’il lui
trouvait les poèmes que celui-ci avait écrits, après les avoir enlevés. Il
criait même sur la pauvre Alix, toujours attentive et la meilleure de la
classe.
L’art, la musique, la littérature, c’est
fini. On ne fait plus que des maths, de la
SVT et de la grammaire…
Il a tout le pouvoir pour faire ce qu’il lui
plaît, mais ceci va changer.
Le lundi, on avait mis sur le plafond des
plaques qui en contact avec un certain liquide libèreraient des bulles qui
éclateraient avec un son métallique, comme un « ping ».
Vers la moitié de la classe, la première
bulle descendit et éclata près de M. Langlet qui sursauta.
« Tiens ! Mais qu’est-ce que c’est
que ça ? »
Personne ne fit un geste. Une autre bulle
éclata, puis une autre, et une autre…
M. Langlet était complètement épouvanté, il
regardait et fouillait partout. La classe entière rigolait. M. Schneder apparut
devant la porte, surpris et confus par le spectacle de M. Langlet.
« Aidez-moi ! Il y a des pings et
des pongs autour de moi ! » supplia M. Langlet.
M.Schneder, trop loin pour entendre les
bulles, fit sortir M. Langlet qui ne revint pas de toute la journée.
Le lendemain, on nous annonçait qu’il allait
rester chez lui jusqu'à la fin de l’année afin de se rétablir.
64.
QUATORZE FOIS
Elle ne finissait jamais. Cette
nuit-là ne finissait jamais et menaçait de devenir la nuit la plus longue.
Après un verre qui devait être la solution au blocage de cette nuit-là, le
poète qui ne dort jamais décidait de partager ses vers. Ce moment-là était le
meilleur moment de ses nuits depuis le moment où il avait fait une amitié
virtuelle avec ses lecteurs. Il essayait de s’en rappeler pour pouvoir les
reconnaître, mais rarement il y réussissait, à cause de leurs commentaires
presque mimétiques et souvent flatteurs. Il avait fait une liste avec les noms
et il en comptait leurs apparitions.
Le poète s’est endormi sur le
clavier et, en concordant avec le lever du soleil, le gros des commentaires sur
sa tâche nocturne est arrivé. Un commentaire a attiré son attention. Il a
consulté ses listes mais il n’y a pas trouvé le nom de son auteur. Son avatar
était une vague et son nom Yayoma, nom que le poète a écrit dans la liste avec
le numéro 1 à coté.
Chaque nuit, quand tout le monde
hormis les artistes dormait, le poète fumait sa vie tout en essayant de
satisfaire ses angoisses expressives. Il faisait ça jusqu’au moment où le
sommeil lui effaçait les rimes. Le réveil qui auparavant était quotidien,
motivé par la faim après l’heure du déjeuner, peu à peu a été remplacé par un
réveil angoissé par le besoin de lire les commentaires de ses amis lointains.
Son obsession: l’impact de ses poèmes. Les « J’aime » s’accumulaient
mais il n’en avait pas suffisamment, et il s’affligeait face au manque
d’observations qui réellement lui donnaient le sentiment que tout cela valait
la peine.
Il était incapable d’écrire son
dernier poème. Le poète l’avait présent, il en sentait toutes les nuances, il
pleurait quand l’idée devenait musique dans sa tête, mais il ne trouvait pas
les mots. Peu à peu Il a commencé à partager les travaillées lignes. Un vers,
deux. Ces verses-là étaient le travail d’une nuit entière. Quand, avec le
soleil, il les relisait, il les effaçait. Ses lecteurs ont commencé à
s’inquiéter, ils ne comprenaient pas le sens du timide poème. Quelques-uns ont
disparu, d’autres ont poursuivi avec les mêmes commentaires lèche-culs et un
troisième groupe a commencé a blasphémer, apostasier et même humilier le poète.
Le septième vers, résultat de
toute une nuit de travail, a été écrit et tout de suite il a été partagé. Parmi
l’avalanche d’appréciations et de jugements, le poète a trouvé un huitième
vers. C’étaient les mots qu’il avait cherchés pendant des jours. Il a reconnu
le pseudonyme et a cherché dans sa liste. Il était là, Yayoma, avec le numéro
treize à coté. Pendant treize nuits son amie avait participé et malgré ça le
poète ne la reconnaissait pas. Il a fermé les yeux et les mots inspirés par le
huitième vers se sont précipités vers les doigts, qui ne s’arrêtaient pas
d’écrire.
Publier, partager, attendre. Mais
pas beaucoup. Plus de vers. Et plus de réactions. Avant le réveil du soleil le
poème à quatre mains était une réalité. Le poète était débordant de joie et
après avoir inscrit le mot FIN il ne comprenait pas comment une personne
inconnue avait été capable de lire sa pensée. Qui es-tu, Yayoma ?
La réponse se faisait attendre et
est arrivée sous forme de photographie. Une photo qui a fait sursauter le
poète. Il l’avait dans son tiroir.
Le poète l’avait faite un matin
quand il attendait le réveil du soleil après avoir maudit l’enivrante nuit.
Dans son souvenir, une conversation inspiratrice, un amour soudain et une
illusion rénovée. Cette nuit-là il était tombé amoureux au premier coup d’œil
où il avait retrouvé son grand amour. Quand il s’était réveillé, la gueule de
bois lui noircissait le jour mais malgré ça il était exultant. Il avait cherché
à son coté mais il n’en avait aucune trace de sa compagnie de la nuit
antérieure. Il ne se rappelait pas de son aspect, uniquement il se rappelait
une sensation qui l’extasiait.
Depuis ce jour-là, avec la photo
dans une main et une bouteille dans l’autre, le poète tentait de confondre son
esprit, tout en cherchant que l’ivresse lui permette de comprendre ce que la
raison empêchait. Personne n’apparaissait sur les photos. Sur toutes les photos
il y avait la même chose: un soleil timide et hésitant sortait sa tête de
derrière une montagne, la mer montrait sa meilleure face et une clarté étrange,
parfois le résultat d’un rayon débutant qui cassait l’obscurité. La clarté sur
la mer qui est devenue sa muse. Et aujourd’hui, après beaucoup de moments de solitude
où il essayait de trouver dans cette clarté-là la forme de son aimée, il a reçu
d’une personne inconnue une image intime. Qui es-tu, Yayoma ?
Pas de réponse. Yayoma restait
pour l’éternité dans la liste du poète avec le numéro quatorze à coté. Pas
treize, pas quinze.
Chaque nuit le poète a relu ses
adeptes dans l’espoir d’une rencontre. Avec ce désir, le poète a écrit ses
meilleurs poèmes et ses admirateurs se sont multipliés. Il s’endort chaque nuit
en pleine effervescence créatrice et dans ses rêves Yayoma, la photo de la mer,
Yayoma, la mer, Yayoma, l’inspiration, la mer, Yayoma, la muse, la mer, son
grand amour.
Note: Le mot Yayoma est la conjonction
de Yaye (mère) et Oma (mer) dans la langue de la communauté linguistique Sérér
(Sénégal).
65.
MEZZANINE
50 lits mezzanine pour gagner de la place! C’est ça! C’est parfait! Maison déco m’a donné la solution idéale. Ma
femme va sauter de joie. Finies les nuits blanches - cette sorte partie de
Tetris qui nous oblige sans cesse à faire des calculs mathématiques pour
connaitre la position exacte de nos membres dans le clic-clac. Parfois je suis
même obligé de dormir la tête en bas avec Anna et Gloria au milieu.
En
fait, ça fait des années que ma femme et moi avions renoncé à ces petits
plaisirs nocturnes que la vie de célibataire permet. Mais avec l’arrivée de
Gloria on frôle le cataclysme. Moi je suis l’Europe et ma femme, l’Afrique. On
s’aperçoit de loin, on s’envoie des bateaux émissaires, on étend nos extrémités
pour établir des relations diplomatiques, mais des forces telluriques nous
repoussent aux confins de notre lit d’adoption. La bataille est perdue
d’avance.
« Papa,
pourquoi est-ce que les feuilles des arbres d’ici tombent? Est-ce que c’est
parce que l’hiver arrive et que ça les rend tristes ? C’est pour ça que
maman pleure la nuit ? C’est parce qu’elle n’aime pas le froid et la
neige ? Chez nous les arbres gardaient leur feuillage toute l’année, maman
me chantait une berceuse chaque nuit et j’avais aussi une chambre pour moi
toute seule. Est-ce que quand le printemps va arriver on sera plus
heureux ? Papa ! Je n’aime pas cette chambre, je n’aime pas cette
maison, je n’aime pas ces gens, je n’aime pas ce pays. »
Je regrette de vous informer que la procédure
exécutoire sera réalisée dans le délai maximal de15 jours. Nuit après nuit cette phrase me martèle la tête. Elle annonçait la fin
d’une vie bien heureuse, soigneusement planifiée, carrée, banale et routinière.
Pourtant, tout était de notre côté. On s’était connus un jour d’avril en
sortant du cinéma. Elle portait une petite robe noire, elle avait les cheveux
longs bouclés. « Pardon madame, vous avez laissé votre veste sur le siège
à côté de moi ! »
Des
mots et des mots qui me reviennent à l’esprit quand on est couchés juste après
que tout le monde s’est endormi. Le coude
de Martine entre mes côtes ne m’accorde pas de répit et me fait penser
qu’une mezzanine c’est la solution parfaite. Ce sera notre nouvelle maison à
nous, une maison dans une autre maison, dans un autre pays où les arbres
perdent leurs feuilles et s’abandonnent à leur chagrin.
66. Le manque
67. Bande enregistreuse